Bako Rambini interviewe Jenny, première mangaka de France et auteure de « Pink Diary »

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A 25 ans, vous devenez la première mangaka de France et parvenez ainsi à vous faire un nom dans le monde encore essentiellement masculin de la BD. Cela a-t-il été difficile ? Comment en êtes-vous arrivée là ? 

Pour être tout à fait honnête, je n’ai pas eu le sentiment d’avoir rencontré de grandes difficultés pour la simple et bonne raison que je me suis lancée dans cette aventure juste pour tester. Je ne croyais pas qu’un éditeur serait intéressé par un projet tel que Pink Diary car je savais que le format que j’avais choisi serait plus délicat à gérer pour une maison d’édition française. J’avais un travail dans le dessin animé qui me plaisait beaucoup à l’époque et dans lequel je m’épanouissais. La bande dessinée était d’abord un à côté qui me permettait de m’exprimer plus personnellement. De là à me professionnaliser… J’étais loin de penser que cela serait possible. Quant au fait d’être une femme dans ce domaine, cela ne m’a jamais paru être un handicap. J’ai eu le sentiment d’être jugée de la même manière que le serait un homme sur le plan professionnel. Que tu sois homme ou femme, si tu as les qualités requises pour le travail, il n’y a pas de différence. J’en veux pour preuve le fait d’avoir pu occuper différents postes dans l’animation.

Vous cumulez les prix : « le Papillon », le premier court-métrage d’animation que vous avez réalisé avec Antoine Antin, a reçu le prix Canal J du jury junior du Festival international du film d’animation, à Annecy; vous avez travaillé sur le story-board de Totally Spies; Pink Diary a reçu le prix Anime et Manga de la meilleure BD. Qu’est-ce qui vous a permis d’accomplir ce remarquable parcours ?

Je dois ce parcours à ma détermination à vouloir faire du dessin plus qu’un simple hobby mais un vrai métier dans lequel je m’épanouis. Pour cela, outre le talent, c’est le travail qui prime, la capacité à s’entourer des bonnes personnes et à saisir les opportunités qui se présentent à vous.

Comment décririez-vous votre univers esthétique ?

C’est un univers très féminin, en rondeur, en délicatesse et en sensualité mais avec parfois ses parts d’ombre. J’aime le romantisme exacerbé. J’aime explorer l’amour dans ses meilleurs côtés comme dans les plus sombres.

Qu’est-ce qui vous inspire ? Qui vous inspire ?

Principalement mes lectures (romans ou bandes dessinées) et les séries ou films. J’en regarde énormément. Parmi mes auteurs favoris, Masakzu Katsura (Video Girl Ai), reste une grande référence ainsi que le studio Clamp. Ma bibliothèque s’est beaucoup étoffée depuis et je suis assidûment des auteurs comme, Kiyohiko Azuma (Yotsuba et), Takeshi Obata (Hikaru no Go, Death note, Bakuman), Hiromu Arakawa (Full Metal Alchemist, Silver Spoon), Miwa Ueda (Peach Girl, Papillon), Tsukasa Hojo (City Hunter, Angel Heart), Ai Yazawa (Nana) même si sa série est pour l’instant interrompue, Rumiko Takahashi (Maison Ikkokku, Inuyasha), Mitsuru Adachi (Rough, Touch, Katsu,etc…) et bien d’autres encore…

Quels sont vos prochains projets ?

Actuellement, je travaille en collaboration avec Patricia Lyfoung (La Rose Ecarlate, Un prince à croquer) sur le spin-off de sa série phare, la Rose Ecarlate. Je suis au dessin. Je prépare également un nouveau projet de bande dessinée toujours dans le format japonais.

Aujourd’hui vous attendez un heureux événement. Encore beaucoup de femmes aujourd’hui sacrifient leur carrière pour s’occuper de leur famille. Comment gérez-vous l’équilibre entre votre métier d’auteure et votre vie de famille ?

Ma carrière représente certes beaucoup à mes yeux mais fonder une famille est un accomplissement personnel à côté duquel je ne souhaitais pas passer. A la fin de Pink Diary, j’avais peur d’être aliénée à mon travail. Ça ne pouvait pas être tout dans ma vie. Lorsque nous avons eu notre premier enfant, le bouleversement a été total et il nous a fallu un peu de temps pour parvenir à concilier la vie de famille et le travail. Je me suis interrompue plusieurs mois pour me consacrer à mon enfant. Puis nous avons trouvé une vitesse de croisière en travaillant essentiellement dans les moments où notre petit garçon dormait. Malheureusement, cela ne me permettait pas de travailler autant que je le souhaitais et la décision de le mettre en nourrice fut un choix incontournable. A ce moment-là, nous avons réfléchi à une méthode de travail qui nous permettait de travailler au mieux durant son absence. A l’époque de Pink Diary, je travaillais parfois jusqu’à 10h par jour, sans compter les week-ends. Avec un enfant, on suit le rythme de l’école et on s’adapte. C’est ce que j’ai fait dans mon travail. J’ai la chance de pouvoir travailler vite et de manière efficace mais aussi d’avoir un mari très présent dans la vie quotidienne et dans son rôle de père. Lorsque je ne parviens pas à boucler mes journées à temps, je peux compter sur lui pour gérer la maisonnée.

Forts de cette première expérience, l’arrivée de notre deuxième enfant ne nous semble pas insurmontable.
Il est vrai que je privilégie ma vie privée et que plutôt que de courir la France pour faire dédicaces sur dédicaces, je me consacre à ma vie de famille car je refuse de passer à côtés de ces moments importants. C’est un choix et cela est pour beaucoup dans le fait que je sois rarement présente dans les festivals de BD.

Quels conseils donneriez-vous à des femmes qui souhaitent lancer un projet?

Être déterminée dans ce que l’on fait et travailler énormément. La récompense n’en sera que plus grande.

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